À l’aube de 2023, plus de 85 % des économistes s’attendaient à une récession aux États-Unis avant la fin de l’année. Et pour cause : la courbe des taux, qui est généralement un signe avant-coureur de récession, s’est inversée en juillet 2022, lorsque les taux des obligations du Trésor à deux ans ont dépassé ceux des obligations à dix ans. Pendant ce temps, chez les gens ordinaires, les recherches sur Google pour le terme « récession » ont atteint leur plus haut niveau historique.
Les prévisions de récession ont diminué rapidement de 2023 à 2024
Toutefois, à l’aube de 2024, cette récession ne s’est pas encore matérialisée et bon nombre de ces mêmes économistes s’attendent désormais à un atterrissage en douceur. Avec une croissance de l’économie américaine de 4,9 % au troisième trimestre, un taux de chômage inférieur à 4 % et un indice des prix à la consommation de 3,1 % en novembre, il semblerait que la Réserve fédérale américaine ait réussi à freiner l’inflation en augmentant rapidement ses taux d’intérêt, tout en évitant une récession.
Si les prévisions de récession pour 2023, et maintenant pour 2024, permettent de tirer une leçon, c’est que l’économie et les marchés sont capables de nous surprendre. Par conséquent, les investisseurs feraient mieux de ne pas essayer de prévoir le marché. Selon Steve Watson, gestionnaire de portefeuille pour Capital Group générateur de revenuMC (Canada) et Capital Group portefeuille de revenu mensuelMC (Canada), il a été prouvé au fil du temps qu’il s’agit d’une tâche extrêmement difficile.
Avec 5 890 G$ US de liquidités reposant dans des fonds du marché monétaire (selon l’Investment Company Institute) au 27 décembre 2023, les investisseurs qui sont restés sur la touche ont obtenu des rendements qui ont fluctué entre 4,53 % et 5,63 % pour l’année (sur la base de l’indice de référence du Trésor à 3 mois), tel qu’enregistré par la Réserve fédérale de Saint-Louis, mais ont manqué des gains de 26,29 % et 5,53 % pour l’indice S&P 500 et l’indice Bloomberg U.S. Aggregate Bond, respectivement, en dollars américains. Les investisseurs devraient envisager de se laisser porter par l’inconfort et l’incertitude, en suivant l’adage de Wall Street selon lequel il est préférable de rester investi plutôt que d’anticiper le marché.
« Si je compte 23 ou 24 baisses en 35 ans de carrière, cela représente une baisse tous les 16 mois », fait remarquer M. Watson. « Nous nous en remettons. Il est facile de dire, dans les moments de crise sur les marchés, que je vais attendre d’y voir plus clair avant d’investir, je préfère attendre les catalyseurs d’un retournement de situation. J’en suis venu à la conclusion que cela ne vaut pas la peine d’essayer. »
Bien que toutes les récessions et tous les cycles économiques ne soient pas identiques, l’analyse des conditions sous-jacentes, en particulier dans les secteurs de la technologie, des services bancaires et de l’immobilier, permet de comprendre comment et pourquoi les États-Unis ont évité une récession en 2023, et même de comprendre comment il est possible d’en faire autant en 2024.
L’essor des « Sept Magnifiques » (Apple, Microsoft, Alphabet, Amazon.com, NVIDIA, Tesla et Meta Platforms) a été comparé aux excès de l’ère du point-com à la fin des années 1990. Mais il existe aujourd’hui d’importantes différences, selon Mark Casey, gestionnaire de portefeuille.
« En 2000, les entreprises étaient surévaluées dans des proportions bien plus importantes que ne le sont aujourd’hui les chefs de file du marché », affirme M. Casey. « Au plus haut de la bulle Internet, il y avait beaucoup de poudre aux yeux qui a fini par imploser. Cette fois-ci, il y a moins d’artifices et la plupart des actions des mégacapitalisations sont des investissements légitimes. »
Les ratios cours/bénéfice sont aujourd’hui nettement inférieurs à ceux de la bulle Internet
Si l’on considère une mesure de valorisation courante, le ratio cours/bénéfice (C/B) moyen (une mesure du prix de l’action par rapport au bénéfice par action) du NASDAQ 100 était de 32,5 à la fin de 2023. À la fin de 1999, juste avant le krach boursier de mars 2000, ce chiffre était de 79,59.
Les Sept Magnifiques ont raflé la majorité des rendements dans un marché étroit, représentant ensemble 59,1 % du Nasdaq 100 à la fin de 2023. Toutefois, leurs évaluations relativement élevées sont étayées par des bénéfices et des flux de trésorerie qui justifient leur statut de chefs de file du marché.
Prenons l’exemple de Microsoft, la plus grande composante du Nasdaq en matière de capitalisation boursière à la fin de 1999, et la deuxième grande composante après Apple à la fin de 2023. À la fin de l’année 2023, Microsoft affichait un ratio cours/bénéfice de 29,1. Comparez ce chiffre à celui de la fin de l’année 1999, lorsque Microsoft affichait un ratio de 60,8.
Il se peut que les investisseurs se méfient des prix élevés de certaines de ces mégacapitalisations. Toutefois, compte tenu du potentiel de croissance de certains des chefs de file actuels du marché, il peut être judicieux de les détenir dans un portefeuille équilibré, selon M. Casey.
La crise bancaire de mars 2023 était un problème de taux d’intérêt plutôt qu’un problème de crédit, une conséquence de l’un des cycles de hausse de taux les plus rapides de l’histoire. Avec la hausse des taux d’intérêt, la valeur de marché des obligations détenues par les banques s’est effondrée, ce qui a fait craindre aux clients que les banques ne disposent pas de suffisamment de liquidités pour garantir leurs dépôts.
« Les fournisseurs de liquidités ont pu pousser un grand soupir de soulagement lorsque la Federal Deposit Insurance Corporation a rappelé aux investisseurs nerveux que les déposants ne subiraient aucune perte », explique Will Robbins, gestionnaire de portefeuille pour Capital Group générateur de revenuMC (Canada).
En outre, la Réserve fédérale américaine a fourni des liquidités par le biais du Bank Term Funding Program. Ce programme de prêts d’urgence offrait aux banques des prêts d’une durée maximale d’un an en utilisant des bons du Trésor et d’autres actifs admissibles à leur prix d’origine plutôt qu’à leur valeur de marché inférieure.
À l’instar des régulateurs qui ont tiré des leçons de la crise bancaire de 2008 qui les ont aidés à réagir en 2023, les investisseurs peuvent tirer des leçons de l’appréhension de 2023 dans leur approche des marchés de 2024.
Les investisseurs actuellement préoccupés par le marché du logement peuvent se consoler en se disant que celui-ci est très différent de ce qu’il était en 2008.
Aujourd’hui, les hausses de taux de la Fed ont freiné les ventes de logements, parallèlement à l’évolution des tendances au sein du marché du logement à la suite de la pandémie. Tout cela a servi de filet de sécurité pour la volatilité qui s’est produite il y a 15 ans.
« À l’époque, nous avions beaucoup construit et nous avions une offre excédentaire de logements. Aujourd’hui, c’est le contraire », explique Darrell Spence, économiste chez Capital Group. « Nous n’avons pas assez construit pendant de nombreuses années, si bien que lorsque la crise de la COVID-19 a éclaté, le marché de l’immobilier était assez serré ».
M. Spence ajoute qu’un marché du travail robuste, qui frôle le plein emploi, et un refinancement à faible taux d’intérêt au cours de la dernière décennie ont été utiles dans l’environnement actuel.
Selon M. Spence, si les modèles économiques ne se sont pas tout à fait effondrés, le système a absorbé de nombreuses distorsions.
« Les gens parlent de la "récession" de la COVID-19 et c’est peut-être parce que nous n’avons pas de mot plus adéquat », explique M. Spence. « La production s’est effectivement contractée, mais pas en raison de forces récessionnistes habituelles. » C’était intentionnel. Les gouvernements ont jeté de l’argent sur le problème et l’économie a eu besoin de temps pour s’adapter.
Si la Fed parvient à gérer un atterrissage en douceur, il serait utile de se pencher sur l’IDA (ou indice des directeurs d’achat) du secteur manufacturier de l’ISM, une mesure de l’activité industrielle qui a chuté de concert avec chaque récession au cours des trois dernières décennies. Un chiffre inférieur à 50 signifie une contraction de l’activité manufacturière, tandis qu’un chiffre supérieur à 50 représente une expansion. L’IDA actuel (au 30 novembre 2023) était de 46,7. La dernière fois qu’il a atteint un niveau inférieur à 45 sans déclencher de récession, c’était en juin 1995.
Un récent repli de l’IDA n’a pas donné lieu à une hausse correspondante du chômage
On dit que l’histoire ne se répète pas, mais souvent elle rime. En 1995, l’insécurité du marché s’expliquait en partie par le quasi-doublement du taux des fonds fédéraux, qui est passé de 3,25 % à 6,00 % en seulement sept augmentations. Les baisses de taux intervenues dans la seconde moitié de 1995 et au début de 1996 ont permis d’éviter une récession. Le résultat pourrait être similaire cette fois-ci. Le ralentissement récent de la production industrielle est considéré comme une simple conséquence des déséquilibres de l’offre dus à la pandémie.
Si les conditions économiques actuelles semblent robustes par rapport à l’histoire, il n’en reste pas moins que l’année à venir réservera certainement des surprises, comme cela a toujours été le cas. Plutôt que d’attendre un signal très clair pour revenir sur les marchés des actions et des obligations, le maintien de portefeuilles bien diversifiés et équilibrés tout au long des cycles économiques reste une approche judicieuse pour les investisseurs à long terme.
L’indice des prix à la consommation (IPC) est une mesure de l’évolution moyenne dans le temps des prix payés par les consommateurs urbains pour un panier de biens et de services de consommation.
L’indice Bloomberg U.S. Aggregate Bond représente le marché américain des obligations à taux fixe de qualité investissement.
L’indice NASDAQ Composite suit le rendement de plus de 3 000 actions cotées au NASDAQ et est souvent considéré comme un indicateur des secteurs les plus récents de l’économie.
L’indice Nasdaq 100 est constitué de titres de participation émis par 100 des plus grandes entreprises non financières cotées au NASDAQ.
L’indice S&P 500 est un indice pondéré selon de la capitalisation boursière, fondé sur les résultats d’environ 500 actions ordinaires détenues par un grand nombre d’actionnaires.
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