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Perspectives d’investissement de Capital Group

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Taux directeurs américains : jusqu’où la Fed doit-elle aller ?
Darrell Spence
Économiste
Jared Franz
Économiste
Pramod Atluri
Gérant de portefeuille obligataire
Damien J. McCann
Gérant de portefeuille obligataire

Quatre gérants de portefeuille et économistes de Capital Group reviennent sur la toute dernière hausse des taux de la Réserve fédérale américaine et détaillent les retombées possibles de la lutte contre l’inflation sur les portefeuilles d’actions et d’obligations.


Face à une inflation qui reste obstinément élevée, la Réserve fédérale américaine (Fed) vient de relever pour la quatrième fois consécutive son taux directeur de 75 points de base (pb), dans une fourchette comprise entre 3,75 % et 4 %.


Cette hausse intervient alors que l’indice des prix à la consommation américain (IPC) a progressé plus que prévu en septembre, et que, selon les derniers chiffres, l’inflation n’a pas encore atteint son plus haut. Entraînée par la hausse des loyers effectifs et imputés, l’inflation des services s’est pour sa part sensiblement accélérée en glissement mensuel. L’envolée persistante des prix associée à un marché de l’emploi solide n’a pas laissé d’autre choix à la Fed que de relever ses taux une fois encore.


L’institution américaine a toutefois laissé entendre qu’elle pourrait bientôt envisager de lever le pied, tout en soulignant qu’elle "« prendrait pour cela en compte les effets cumulés du resserrement de sa politique monétaire, le décalage avec lequel la politique monétaire agit sur l’activité économique et l’inflation, ainsi que l’évolution de la conjoncture économique et financière ». Pour autant, le président de la Fed Jerome Powell a répété que « le cap serait maintenu jusqu’à ce que l’inflation atteigne un niveau satisfaisant », et indiqué qu’il serait « très prématuré » de parler d’une pause dans le relèvement des taux.


« Depuis notre dernière réunion, les chiffres semblent indiquer que le niveau final des taux d’intérêt pourrait être plus haut que prévu », a-t-il précisé. « Désormais, il ne s’agit pas tant de savoir quand ralentir le rythme des hausses de taux, mais jusqu’où nous devrons aller et combien de temps la politique monétaire devra demeurer restrictive. »


Il y a un risque que le marché sous-estime le niveau final des taux américains


Darrell Spence et Jared Franz, économistes


Le marché a relevé ses anticipations de pic du taux des Fed Funds, ce qui est un progrès, mais il pourrait n’être pas encore complètement préparé à toutes les mesures que la Fed devra prendre pour endiguer l’inflation ni à leurs conséquences probables sur l’économie. Il est utile ici de rappeler que, durant la seconde moitié des années 1990, les taux étaient compris entre 5 % et 6 % malgré une inflation bien plus faible, mais aussi que la plupart des cycles de resserrement monétaire passés ont pris fin après une période de taux nettement supérieurs à l’inflation. Les relèvements des anticipations de hausse des taux d’intérêt opérés ces derniers mois ont déjà engendré une brusque remontée des taux obligataires et fait repartir à la baisse les marchés actions, un mouvement qui n’est peut-être pas encore terminé.


L’inflation pourrait continuer de dépasser les anticipations du marché et de la Fed. Bien que les faiblesses de certains secteurs – celui de l’immobilier notamment – laissent penser que les tensions sur les prix devraient s’atténuer, force est de constater que cela ne se reflète pas encore dans les chiffres sur l’inflation. De nombreux facteurs d’inflation structurelle pourraient ainsi persister, comme les anticipations d’inflation élevées, l’épargne accumulée par les ménages pendant la crise sanitaire, la transition climatique, le risque géopolitique ou encore la relocalisation des chaînes d’approvisionnement. Dans ces conditions, il est tout à fait réaliste d’imaginer une inflation durablement supérieure à l’objectif de 2 % de la Fed, voire de l’ordre de 5 % dans le scénario le plus extrême.


Les anticipations de hausse des taux ont fortement augmenté

Source : Capital Group, FactSet.

Tant que la Fed ne sera pas satisfaite du niveau des taux directeurs, il est peu probable qu’elle mette un terme au cycle de resserrement quantitatif en cours – seules des turbulences extrêmes sur les marchés pourraient la faire changer de cap. Même une récession n’empêchera probablement pas la Fed de réduire la taille de son bilan – au mieux, elle ne fera que ralentir ce processus. Certains gouverneurs appellent même de leurs vœux la fin d’une politique monétaire accommodante désormais vivement critiquée. Selon certains observateurs en effet, la banque centrale américaine fausse le niveau des marchés en détenant une quantité excessive d’actifs obligataires et de titres adossés à des crédits immobiliers.


Les actions pourraient encore reculer sous l’effet de piètres résultats 


Darrell Spence, économiste


Par le passé, les marchés baissiers associés à une récession ont duré 17 mois, pour un repli de 35 % (données médianes). Si l’on en croit ces chiffres, la récession qui menace aujourd’hui l’économie américaine pourrait dès lors durer au moins une bonne partie de l’année 2023.


Dans le marché baissier actuel, les valorisations se sont déjà contractées, mais pas encore les bénéfices par action (BPA). Et bien que les projections de croissance des BPA aient été revues à la baisse ces derniers mois, les estimations du consensus pour 2023 se situent encore aux alentours de 6 % – ce qui me semble trop optimiste.


Lors des récessions précédentes en effet, les entreprises ont plutôt enregistré une chute de l’ordre de 15 % à 20 % de leurs résultats. Étant donné le ralentissement mondial de la croissance, la vigueur du dollar et l’érosion des marges liée à l’augmentation des coûts de main-d’œuvre, il y a tout lieu de penser que les actions pourraient encore reculer.  Et en cas de contraction de 15 % des BPA, il faudrait que les sociétés composant le S&P 500 s’échangent à un PER de 20,6 fois pour que l’indice reste stable, un niveau qui me semble ici aussi élevé face à des taux à 10 ans aujourd’hui proches de 4 % (et qui pourraient, à terme, atteindre 5 %).


Il convient par ailleurs de souligner qu’en moyenne, le S&P 500 a culminé sept mois avant le pic du cycle économique (tel que mesuré par la production industrielle), à la suite de quoi il a eu tendance à reculer pendant quatre à six mois, pour ensuite amorcer une progression en prévision d’une reprise de l’activité économique et d’un redressement des résultats des entreprises. Or, à ce jour, la production industrielle n’a pas encore culminé.  


La partie courte de la courbe des taux recèle des opportunités pour les cœurs de portefeuilles obligataires 


Pramod Atluri, gérant de portefeuille


Les anticipations de poursuite de la hausse des taux de la Fed et la montée du risque de récession ont provoqué une inversion de la courbe des taux. Avec des taux des bons du Trésor qui reflètent désormais un taux des Fed Funds de 5 % d’ici la mi-2023, la partie courte de la courbe offre selon moi des opportunités. En conséquence, nous sommes passés d’une sous-pondération à une surpondération des bons du Trésor à court terme au sein de nos cœurs de portefeuilles obligataires. La duration globale de ces portefeuilles demeure toutefois neutre, car les perspectives inflationnistes sont encore incertaines pour les semaines à venir.


De nombreux indicateurs en temps réel et avancés montrent que les hausses des taux de la Fed freinent la croissance économique. De plus en plus d’observateurs préconisent que la Fed ralentisse le rythme des hausses de taux et marque une pause en 2023 lorsque les taux se situeront dans une fourchette comprise entre 4,5 % et 5 %, pour prendre le temps d’évaluer l’impact de son intervention et décider en connaissance de cause s’il est nécessaire – ou non – de continuer à durcir sa politique. Mais en fin de compte, ce sont les prochaines statistiques sur l’inflation qui permettront de déterminer si les responsables de la politique monétaire américaine peuvent se permettre de lever le pied. D’après mon analyse, une pause prolongée autour de 5 % serait raisonnable au vu des données actuelles, selon lesquelles les taux d’intérêt devraient peu augmenter par rapport à leurs niveaux actuels. Mais une fois encore, tout dépendra de la manière dont l’inflation évoluera ces prochains mois.


Lorsque la Fed interrompra son cycle de hausse des taux, il est possible que les taux des bons du Trésor à court terme remontent et que ceux à plus long terme se retrouvent à la traîne, ce qui se traduirait par un retour rapide à une pente positive – potentiellement significative – de la courbe des taux. Sachant qu’il est difficile de prévoir exactement quand ce phénomène pourrait survenir, il me paraît judicieux de se positionner dès à présent pour profiter des opportunités qu’il engendrera.


La résilience économique soutient les obligations d’entreprise 


Damien McCann, gérant de portefeuille


Grâce à un faible taux de chômage et à l’épargne accumulée pendant la crise sanitaire, la consommation résiste et soutient les obligations d’entreprise.


Mais la dégradation attendue de la conjoncture économique pourrait provoquer un élargissement des spreads des obligations investment grade (notées BBB/Baa ou plus). L’assise financière des entreprises reste pour le moment saine, tandis que l’univers obligataire affiche un endettement total raisonnable. L’ampleur du ralentissement économique sera déterminante pour les fondamentaux des entreprises, mais mon scénario de référence est celui d’une récession plutôt modérée,  d’autant que le système bancaire est bien capitalisé. J’applique en conséquence un positionnement quelque peu défensif au sein de mes portefeuilles, avec une exposition légèrement sous-pondérée aux obligations d’entreprise.


Il est aussi possible de trouver quelques opportunités dans la dette titrisée et certains segments de la dette des marchés émergents. La dette émergente pâtit de spreads excessifs, mais certains émetteurs sont actuellement assortis de valorisations attrayantes.


Par ailleurs, la prudence s’impose au sein du segment high yield malgré l’augmentation marquée des taux, l’amélioration des fondamentaux et le niveau historiquement bas des taux de défaut. Les titres high yield étant généralement pénalisés durant les cycles de resserrement monétaire, je préfère en effet rester patient dans l’attente de points d’entrée plus attrayants.



Darrell Spence est économiste spécialiste des États-Unis chez Capital Group et possède 31 ans d’expérience. Il est titulaire d’une licence d’économie d’Occidental College (Los Angeles), et de la certification Chartered Financial Analyst®. Il est membre de la National Association for Business Economics.

Jared Franz est économiste chez Capital Group et possède 18 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement. Il est titulaire d’un doctorat en économie d’University of Illinois à Chicago et d’une licence de mathématiques de Northwestern University.

Pramod Atluri est gérant de portefeuille obligataire chez Capital Group et possède 20 ans d’expérience en matière d’investissement. Il est titulaire d’un MBA de Harvard et d’une licence obtenue à l’Université de Chicago, ainsi que de la certification Chartered Financial Analyst (CFA).

Damien J. McCann est gérant de portefeuille obligataire chez Capital Group et possède 24 ans d’expérience en matière d’investissement. ll est titulaire d’une licence de gestion option finance de California State University (Northridge), ainsi que de la certification Chartered Financial Analyst®.


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