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Taux européens : la BCE à l’heure des choix difficiles
Robert Lind
Économiste
CE QU’IL FAUT RETENIR
  • La menace d’une rupture de l’approvisionnement en énergie russe est devenue très réelle en Europe ces dernières semaines.
  • Les taux d’inflation globale demeurent élevés dans les grandes économies de la zone euro.
  • La hausse annoncée des taux de la BCE taux et la fin anticipée de son programme d’assouplissement quantitatif ont déjà commencé à peser sur les marchés obligataires européens, ce qui a conduit à un élargissement des spreads entre les taux souverains des différentes nations de l’Union européenne.

Depuis début 2022, l’économie européenne a remarquablement bien résisté malgré les craintes d’une récession provoquée par le conflit russo-ukrainien. Mais alors que la Banque centrale européenne (BCE) se prépare à relever ses taux directeurs lors de sa réunion du 21 juillet, l’économie fait face à des difficultés de taille.


La BCE est confrontée au même genre de scénario que la Réserve fédérale américaine (Fed) et que la Banque d’Angleterre, qui peinent à trouver le juste équilibre entre juguler une inflation historiquement forte et déclencher une récession grave. La BCE a signalé son intention de relever ses taux d’intérêt lors de ses réunions de juillet et septembre, et a confirmé qu’elle mettrait fin dans la foulée à son programme d’achat d’actifs.


Les anticipations d’inflation des consommateurs et des entreprises semblent par ailleurs évoluer à la hausse. Sachant que les taux directeurs réels demeurent exceptionnellement bas et que le risque inflationniste progresse en Europe, la BCE pourrait souhaiter poursuivre le resserrement de sa politique monétaire jusqu’à ce qu’elle observe une baisse significative de l’indice des prix à la consommation (IPC).


Dans un contexte où la croissance de la consommation et des services porte l’économie, et où l’industrie est en perte de vitesse, je décèle trois grands risques susceptibles d’empêcher un atterrissage en douceur : l’interruption de l’approvisionnement en gaz de Russie sur le continent européen, une inflation généralisée et persistante, et un élargissement des spreads (écarts de taux) des emprunts d’État de l’Union européenne.


Que pourrait-il se passer si la Russie cesse d’approvisionner l’Europe en gaz ?


La menace d’une rupture de l’approvisionnement en énergie russe est devenue très réelle en Europe ces dernières semaines. Les prix de l’énergie ont d’ores et déjà commencé à augmenter alors même que la réduction des importations en provenance de Russie demeure pour l’instant limitée. Et Berlin se prépare clairement au fait que la Russie ferme totalement les vannes, ce qui nécessiterait de rationner la demande en Allemagne et dans d’autres pays, comme l’Italie.


Si le gaz russe n’arrive plus jusqu’en Europe, l’inflation augmentera et freinera la croissance économique, ce qui pourrait déboucher sur le plus important choc stagflationniste depuis le milieu des années 1970.


Un tel scénario serait un dilemme cornélien pour la BCE. Car si la récession était causée « seulement » par le ralentissement de l’activité économique et la rupture de l’approvisionnement énergétique, alors la BCE devrait sans doute baisser ses taux d’intérêt. Mais si la Russie ne fournit plus de gaz à l’Europe, alors l’inflation pourrait atteindre des niveaux à deux chiffres, auquel cas la BCE serait contrainte de resserrer encore sa politique monétaire.


Rappelons que la Bundesbank allemande est la seule banque centrale qui est parvenue à rehausser sa réputation dans les années 1970, en relevant ses taux d’intérêt pour endiguer une accélération de l’inflation provoquée par un choc de l’offre. Aujourd’hui, je pense que les autorités allemandes seront sous une pression extrême pour reproduire ce schéma. S’il peut paraître malavisé d’augmenter les taux face au risque actuel de récession, je pense que l’inaction pourrait mettre la zone euro à rude épreuve, sans compter les tensions que cela créerait au sein du Conseil des gouverneurs de la BCE.


Il est difficile de modéliser le choc qui découlerait d’une interruption des importations d’énergie russe, car l’impact se répercuterait via de nombreux canaux, comme les prix et les volumes, tandis que l’incertitude toucherait tous les secteurs de l’économie. Par ailleurs, les modèles macroéconomiques sont estimés à partir de données passées, ce qui complique leur calibrage par rapport à des scénarios aujourd’hui sans précédent. Malgré tout, les estimations fournies par cinq instituts de recherche allemands et la BCE montrent qu’en cas d’arrêt total des importations d’énergie russe, l’économie européenne se retrouverait face à un choc de l’offre à la fois considérable et persistant.


 


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Robert Lind est économiste chez Capital Group. Il possède 33 ans d’expérience et a rejoint Capital Group il y a 4 ans. Il est titulaire d’une licence de philosophie, politique et économie de l’université d’Oxford. Robert est basé à Londres.


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