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Politique
La guerre en Ukraine aura-t-elle raison de l’unité européenne ?
Talha Khan
Économiste politique
CE QU’IL FAUT RETENIR
  • Il y a peu de chances que l’Europe revienne sur sa position de « non-apaisement » vis-à-vis de la Russie.
  • Malgré les sondages indiquant que les Européens souhaitent une fin rapide de la guerre en Ukraine, d’importantes divergences subsistent entre les États membres de l’Union européenne.
  • Le choc de la guerre sur les prix de l’énergie continue de peser sur le moral des ménages, d’alimenter l’inflation et d’accroître le risque de récession en Europe d’ici la fin de l’année. Ce risque de récession semble toutefois déjà largement intégré dans les cours boursiers.
  • À long terme, les investisseurs doivent envisager l’impact de coûts énergétiques durablement supérieurs en Europe. 

L’offensive russe contre l’Ukraine qui a débuté il y a six mois a déclenché un tsunami géopolitique qui continue de déferler sur l’économie mondiale. L’Europe a été en première ligne dans ce conflit, accueillant des réfugiés ukrainiens et engageant des moyens financiers et militaires dans le cadre de l’alliance occidentale soutenant l’Ukraine.


Mais l’économie européenne est très exposée à la flambée mondiale des prix de l’énergie due tant à l’embargo des Vingt-Sept sur les hydrocarbures russes qu’à la suspension des exportations de gaz russe. En conséquence, les ménages européens – qui, dans les sondages, citent régulièrement le coût de la vie comme l’une de leurs principales préoccupations – subissent une compression de leurs revenus disponibles.


Par ailleurs, l’unité dont a fait preuve l’Europe au début du conflit a commencé à laisser place aux habituelles divergences d’opinions entre les États membres, par exemple concernant l’ampleur et le type de sanctions dans le secteur énergétique, ou encore sur le partage des réserves de gaz en cas de pénurie cet hiver.


Combien de temps encore l’Union européenne pourra-t-elle rester unie ?


De nombreux clients me demandent si l’Europe renoncera à sa politique actuelle de soutien financier et militaire à l’Ukraine, et se montrera plus disposée à jouer l’apaisement vis-à-vis de la Russie – notamment en annulant les sanctions en vigueur.


Il est à mon avis peu probable que l’Europe revienne sur la position qu’elle a adoptée au début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Je pense que Bruxelles fera abstraction des fissures apparues dans l’unité européenne et tâchera d’avancer malgré les difficultés. Même si la solidarité européenne n’est finalement pas aussi forte qu’on a pu le croire au début du conflit, il reste peu probable qu’elle disparaisse rapidement au profit d’un règlement négocié qui n’obligerait pas la Russie à rendre des comptes.


Les dirigeants européens avec lesquels j’ai eu l’occasion d’échanger semblent considérer la situation actuelle comme une opportunité stratégique de pouvoir tourner le dos à la Russie, une position qui divise pourtant les États membres de longue date.


Plusieurs mesures démontrent l’engagement et l’unité de l’Europe sur des questions essentielles : l’accord sur la livraison de matériel militaire à l’Ukraine, les sanctions sans précédent (dont une septième série votée récemment), l’adhésion imminente de la Finlande et de la Suède à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), ou encore la décision d’octroyer à l’Ukraine le statut de candidat à l’Union européenne.


Le Président russe Vladimir Poutine compte peut-être exploiter les fissures apparues dans l’unité européenne pour obtenir un échange – selon ses termes – de territoires contre la paix. Les dirigeants occidentaux le savent et travaillent d’arrache-pied pour éviter une telle issue, malgré leurs divergences sur la stratégie la plus adaptée. Car en dépit des pressions politiques nationales, l’apaisement ne semble pas faire partie de leurs options. L’éventail de sanctions internationales en vigueur contre la Russie pourrait donc être maintenu, peu importe quand et comment le conflit se terminera. La décision de l’Europe de supprimer toute dépendance à l’énergie russe me paraît dans tous les cas irréversible.


La plupart des Européens soutiennent la position de l’Union européenne vis-à-vis de la Russie


Les dirigeants politiques européens reconnaissent qu’ils devront mener une difficile guerre d’usure : ils tentent de montrer combien ils sont déterminés, tout en mettant en garde contre les dangers d’un éventuel manque de fermeté. En parallèle, les craintes liées à l’approvisionnement en énergie et en denrées alimentaires ne font que renforcer les inquiétudes de l’opinion publique européenne.



Talha Khan est responsable de la zone euro et des questions politiques plus larges. Il a huit ans d'expérience en investissement et une maîtrise en économie politique internationale de la London School of Economics.

 


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