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Capital IdeasTM

Perspectives d’investissement de Capital Group

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ESG
Investissement ESG : 5 thèmes à suivre de près
Jessica Ground
Responsable ESG, Monde
CE QU’IL FAUT RETENIR
  • Les autorités réglementaires renforcent la vigilance sur les chaînes d’approvisionnement.
  • Les entreprises prennent conscience des défis liés à la gouvernance en matière d’IA.
  • La réalité rattrape la transition énergétique.
  • Les émetteurs souverains innovent.
  • La biodiversité devient un thème d’investissement à part entière.

Je me demande souvent comment trois lettres peuvent, à elles seules, englober un tel éventail de sujets si importants pour les investisseurs. Outre le fait qu’ils sont différents d’une période à l’autre, laissant derrière eux un tourbillon d’activité, les enjeux ESG (pour environnement, société, gouvernance) voient leur nombre, déjà impressionnant, augmenter constamment.


Comme le président d’une entreprise, en poste depuis longtemps, me le disait récemment, il y a quinze ans, les investisseurs le questionnaient principalement sur les volumes et les marges. Désormais, ces mêmes investisseurs s’attendent à ce qu’il maîtrise parfaitement tous les sujets, des politiques de diversité discutées lors des conseils d’administration, de la sécurité des fournisseurs ou encore de la géopolitique au Moyen-Orient.


En ce qui me concerne, j’ai recensé plusieurs dizaines d’enjeux ESG essentiels à prendre en compte au cours de l’année à venir, et au-delà. Parmi eux, cependant, cinq me semblent importants : les chaînes d’approvisionnement, l’IA, la transition énergétique, les émetteurs souverains et la biodiversité.


Certains de ces sujets peuvent sembler extrêmement spécifiques, tandis que d’autres sont plus généralistes. Peu importe, car ces cinq enjeux peuvent tous être source à la fois d’opportunités et de risques – et devraient donc, à ce titre, être un point d’attention pour les investisseurs ces prochaines années.


1. Les autorités réglementaires renforcent la vigilance sur les chaînes d’approvisionnement. 


Quand vous achetez un objet, est-ce que cela vous intéresse de savoir où et comment il a été fabriqué ? Tout comme les consommateurs, les États et les autorités réglementaires veulent connaître la réponse à ce genre de questions.


Les nouvelles règles de transparence concernant les chaînes d’approvisionnement incitent de nombreuses entreprises à repenser leurs processus et le reporting qui va avec. Ainsi, dans certains secteurs, on observe déjà une nette amélioration de la disponibilité et de la qualité des données à différents stades de la chaîne d’approvisionnement.


Les investisseurs savent aussi que les coûts de mise en conformité, les changements de processus et les éventuelles amendes peuvent avoir un impact significatif sur les bénéfices. Or, les entreprises doivent désormais composer avec, par exemple, le règlement européen contre la déforestation (en cours de négociation) et les lois de diligence raisonnable des entreprises en matière de travail forcé aux États-Unis et de chaînes d’approvisionnement en Allemagne.


Une autre initiative européenne, la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (dite « CSDD » pour Corporate Sustainability Due Diligence), pourrait d’ailleurs avoir d’importantes répercussions à l’échelle mondiale. Elle a pour ambition d’inciter les entreprises à mettre en place, à leur niveau mais également sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, des pratiques de diligence raisonnable pour atténuer les effets négatifs, sur l’environnement et les droits humains.


Les derniers détails sont en cours de négociation, mais si l’on en croit la dernière version publiée en mars 2024 par le Conseil de l’Union européenne, cette directive pourrait entrer en application dès 2027. Les premières entreprises concernées sont celles qui emploient au moins 5 000 personnes et qui génèrent un chiffre d’affaires de plus de 1,5 milliard EUR. Dans la proposition de départ, il est question d’amendes pour non-conformité d’un montant pouvant atteindre 5 % du chiffre d’affaires brut mondial. La version de mars 2024 précise par ailleurs que « les États membres doivent veiller à ce que la sanction pécuniaire soit proportionnelle au chiffre d’affaires net mondial de l’entreprise au moment où elle est décidée ».


Plusieurs milliers d’entreprises de l’Union européenne et d’ailleurs devraient être concernées par la directive CSDD*
Calendrier de mise en œuvre échelonné Seuil pour les entreprises basées dans l’UE Effectifs   |   CA mondial
2027 ≥5 000   |   ≥1,5 md EUR
2028 ≥3 000   |   ≥900 mns EUR
2029   ≥1 000   |   ≥450 mns EUR

 

>5 400sociétés basées dans l’UE sont concernées*, dont : Sociétés hors UE
1 489 en Allemagne La liste des entreprises allemandes concernées sera publiée par la Commission européenne à partir des mêmes seuils de chiffre d’affaires, mais uniquement celui généré dans l’UE.
737 en Italie
481 en France

*La mise en œuvre échelonnée de la directive CSDD est basée sur une entrée en vigueur prévue fin 2024. Le nombre de sociétés européennes concernées correspond à une première estimation effectuée par le Centre for Research on Multinational Corporations (SOMO), à partir de la proposition de compromis publiée en mars 2024.

Sources : Union européenne, SOMO.

2. Les entreprises prennent conscience des défis liés à la gouvernance en matière d’IA.


Les effets transformateurs de l’intelligence artificielle (IA) sur l’économie et la société sont une source de préoccupation pour quantité de chefs d’entreprise, de responsables politiques et d’investisseurs – en particulier depuis le lancement public de ChatGPT fin 2022.


Qu’il s’agisse des autorités de contrôle, du système judiciaire, des entreprises, des travailleurs ou des utilisateurs, chacun cherche à suivre le rythme des innovations. Depuis peu, de nombreux d’acteurs s’intéressent de plus près aux implications complexes de cette technologie en matière de gouvernance d’entreprise.


Une série de procès ont été récemment intentés pour violation des droits d’auteur ou de la confidentialité des données. Et dans les assemblées générales des entreprises, des résolutions d’actionnaires en rapport avec l’IA sont apparues et devraient se multiplier ces prochaines années.


La sphère politique se montre elle aussi plus vigilante : à l’issue d’une réunion avec la Maison Blanche en juillet 2023, les dirigeants d’OpenAI, de Microsoft, de Meta, d’Inflection, de Google, d’Anthropic et d’Amazon ont accepté de mettre en œuvre des garde-fous et se sont engagés à respecter certaines normes.


Les sociétés qui utilisent l’IA sont également sous haute surveillance. Des cadres de gouvernance ont ainsi été élaborés par l’UE, le National Institute of Standards and Technology (NIST) aux États-Unis, mais aussi l’ONU et l’OCDE, pour n’en citer que quelques-uns.


Quant à la loi européenne sur l’intelligence artificielle (AI Act), qui devrait être votée cette année, elle a une large portée. Si les derniers détails sont encore en discussion, on estime que la règlementation pourrait prévoir une déclaration obligatoire pour les contenus générés automatiquement, la mise en place d’une évaluation des risques et d’une information sur les données utilisées pour entraîner les modèles d’IA, le respect de la législation européenne sur le droit d’auteur, l’interdiction d’utiliser des images de visages récupérées sur Internet ou enregistrées par des caméras de surveillance, l’interdiction que les modèles d’IA aient des biais politiques, religieux, philosophiques, raciaux ou sexuels, la supervision humaine de modèles d’IA, et la possibilité d’interdire les IA les plus risquées.


Ces cadres et propositions de réglementation servent à guider les premiers efforts déployés par les entreprises en matière de gouvernance en matière d’IA. La confidentialité, la protection des données, l’utilisation responsable et la sécurité des personnes sont quelques-uns des grandes problématiques à gérer du fait du déploiement de l’IA, que ce soit dans des versions d’essai gratuites ou dans des versions complètes payantes. Les entreprises qui refusent d’adapter leur gouvernance pourraient s’exposer à d’importants risques juridiques et réglementaires.


Face à un paysage technologique, réglementaire et juridique en pleine mutation pour s’adapter à ce nouveau paradigme, les conseils d’administration pourraient de facto devenir l’arbitre de l’IA dans de nombreuses entreprises. Il faut donc s’attendre à ce que les administrateurs ayant des compétences dans le domaine de l’IA deviennent très recherchés.


Les risques que l’IA fait peser sur la gouvernance d’entreprise
  Exemple de risque
Hallucination Les modèles d’IA peuvent prendre des décisions incorrectes ou faire de fausses prévisions, peut-être en raison des limitations des séries de données utilisées pour leur entraînement.
Propriété intellectuelle Les contenus produits par des modèles d’IA générative entraînée à partir de textes, d’images et d’autres données protégées par les droits d’auteur et des brevets sont soumis à des incertitudes et à des risques juridiques.
Réglementation La volonté de suivre le rythme de contextes réglementaires qui évoluent vite, et parfois de manière divergente, peut compliquer la mise en conformité.
Désalignement des parties prenantes Les dirigeants, les administrateurs et les collaborateurs n’ont peut-être pas l’expertise ou l’expérience requises pour juger des atouts de l’IA et de son alignement sur la stratégie de leur entreprise.
Biais Les modèles d’IA peuvent avoir des biais implicites en raison des limitations engendrées par les séries de données ou par l’interprétation des résultats.

Exemples fournis à titre d’illustration uniquement.

Source : Capital Group.

3. La réalité rattrape la transition énergétique.


Ces derniers mois, j’ai eu plusieurs échanges particulièrement révélateurs avec des sociétés qui prennent conscience d’un défi majeur en matière de transition énergétique : la maîtrise de leurs émissions scope 2 (pour faire simple, celles provenant de l’électricité qu’elles achètent) s’avère être la partie la plus facile des efforts qu’elles devront déployer pour décarboner leurs activités.


En effet, les mesures d’efficacité énergétique s’annoncent bien plus exigeantes. Par exemple, à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP28 de décembre 2023), les pays participants se sont accordés sur un objectif ambitieux, à savoir doubler à 4 % les améliorations en matière d’efficacité énergétique d’ici 2030. Pour y parvenir, l’Agence internationale de l’énergie a estimé que le montant annuel moyen des investissements dans l’efficacité énergétique devrait tripler, pour atteindre 4 500 milliards USD d’ici la fin de cette décennie. 


Il est sans doute utile de souligner qu’avec l’augmentation des prix de l’électricité, le délai habituel de retour sur investissement des solutions plus économiques (remplacement par des équipements plus efficaces ou installation de purgeurs vapeur, par exemple) est passé de quelques années à moins de 18 mois.


Mais il existe d’autres moyens de réaliser des gains d’efficacité : l’essor des véhicules électriques (dont l’efficacité énergétique est généralement supérieure à celle des moteurs thermiques), l’abandon du gaz naturel pour le chauffage ou encore l’électrification de l’industrie lourde. Nous entrons probablement dans une période critique, dans laquelle les investissements colossaux nécessaires ne peuvent plus être utilisés par les entreprises pour justifier leur inaction – ceci d’autant plus que les États sont prêts à distribuer des subventions pour réduire les coûts.


Transport, chauffage et industrie : trois filières où il est possible de réaliser des gains d’efficacité énergétique

Ce diagramme fournit trois chiffres clés liés à la transition énergétique. (1) Les motorisations électriques convertissent environ 85 % de l’énergie électrique en énergie dite « utile ». (2) Les pompes à chaleur alimentées en électricité sont 3 à 5 fois plus efficaces sur le plan énergétique que les chaudières traditionnelles. (3) L’électrification et les énergies propres peuvent accroître l’efficacité et réduire les émissions, sachant que l’industrie manufacturière (notamment pour la production de fer, d’acier, de ciment et de produits chimiques) est responsable d’environ trois quarts des émissions industrielles de gaz à effet de serre aux États-Unis.

Exemples fournis à titre d’illustration uniquement.

Sources : Agence internationale de l’énergie, Département américain de l’Énergie.

4. Les émetteurs souverains innovent.


Si les enjeux ESG ne font pas partie de votre quotidien, vous apprendrez peut-être que les émetteurs souverains sont à l’origine de quelques innovations réellement prometteuses.


Par exemple, un groupe d’universitaires et d’investisseurs institutionnels a récemment conçu un nouveau cadre de référence pour aider les investisseurs à mieux cerner les nuances en matière de risques et d’opportunités liés à l’environnement. Les premiers pays concernés sont peu nombreux, mais cet outil baptisé ASCOR (pour Assessing Sovereign Climate-related Opportunities and Risks) pourrait se développer et devenir une source de données potentiellement utile.


Au-delà du reporting et de l’analyse, d’autres innovations intéressantes ont fait leur apparition dans la manière dont les États financent leurs efforts en matière de durabilité. Sur les marchés émergents, par exemple, les obligations estampillées ESG ont représenté ces dernières années environ 20 % de l’ensemble des émissions de titres en monnaie forte.


On peut imaginer que le swap « dette-nature » record négocié par l’Équateur en 2023 a donné matière à réflexion aux gouvernements qui cherchent à mettre l’accent sur la préservation de la nature. En clair, ces contrats financiers prévoient l’annulation d’une partie de la dette d’un émetteur en échange de son engagement à sauvegarder l’environnement d’une manière convenue en amont. L’État équatorien a ainsi pu racheter 1,6 milliard USD de sa dette à une forte décote, puis émettre de nouvelles « obligations bleues », dont le produit permettra d’allouer au moins 12 millions USD par an à la protection de l’écosystème unique des îles Galapagos.  


Emprunts d’État labellisés ESG : les grands chiffres

Ce diagramme montre quatre chiffres clés relatifs aux obligations labellisées ESG : il y a plus de 1 700 obligations en circulation, provenant de 48 pays, soit plus de mille milliards de dollars US de titres en circulation, et 13 % des obligations en circulation ont été émises par des économies émergentes.

Exemples fournis à titre d’illustration uniquement.

Sources : Bloomberg, Standard Chartered Research. Analyse des données Bloomberg par Standard Chartered Research en janvier 2024 : obligations d’État « vertes », « sociales », « durables » et « liées au développement durable », d’une échéance supérieure à un an.

5. La biodiversité devient un thème d’investissement à part entière.


Comme on vient de le voir, les émetteurs se tournent désormais vers les obligations pour financer la protection de l’environnement et restaurer la biodiversité. Du côté des investisseurs, la biodiversité devient une réelle priorité compte tenu de l’érosion préoccupante du capital naturel (c’est-à-dire le « stock » mondial de terres, d’air, d’eau, d’être vivants – et les avantages qui en découlent).


Notre toute dernière étude annuelle sur l’investissement ESG dans le monde, qui est disponible sur notre site Internet, confirme cette tendance, puisqu’on peut y lire que le nombre d’investisseurs interrogés qui pensent mettre en place une politique consacrée à la biodiversité d’ici 2025 a doublé depuis 2023.


La publication, en 2023, du cadre de reporting très attendu de la Taskforce on Nature-related Financial Disclosures (TNFD) contribue à accélérer la reconnaissance de l’importance de la biodiversité. En janvier 2024, 320 acteurs économiques de 46 pays se sont engagés à adopter les recommandations de la TNFD pour la publication d’informations relatives à leurs dépendances, impacts, risques et opportunités liés à la nature. Il sera intéressant de voir comment ces recommandations s’intégreront aux normes comptables et réglementations ces prochaines années.


Chez Capital Group, nous sommes impatients que de nouvelles préconisations soient publiées concernant la divulgation d’informations liées à la nature, lesquelles nous aideront à mieux appréhender les risques qui y sont liés. La nature est à notre sens un sujet encore plus complexe que le climat, pour lequel les entreprises se sont jusqu’à présent focalisées sur les données d’émissions. Nous avons récemment consacré beaucoup d’énergie à évaluer les fournisseurs de données sur la biodiversité, pour déterminer quelles données externes pourraient nous aider à mesurer les dépendances à la biodiversité et leurs effets sur nos investissements.


On peut dire sans exagération que les domaines dans lesquels les dirigeants politiques agiront ces prochaines années, et les méthodes qu’ils choisiront pour ce faire, auront des répercussions aussi importantes que prolongées sur les activités et le reporting des entreprises.


Le prix de la Terre : la nature vaut plusieurs milliers de milliards de dollars

Ce diagramme montre que plus de la moitié du PIB mondial dépend de la nature. La valeur estimative en dollar US des principaux biens et services naturels mondiaux est également indiquée à titre d’exemple. Rôle des herbiers marins dans le cycle alimentaire : 1 900 milliards USD. Valeur marchande annuelle des cultures pollinisées par les insectes : plus de 200 milliards USD. Valeur à la première vente de la production d’animaux aquatiques dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture : plus de 350 milliards USD. Tourisme sur les récifs coralliens : plus de 35 milliards USD.

Exemples fournis à titre d’illustration uniquement.

55 % du PIB mondial est « modérément dépendant ou très dépendant des services écosystémiques », selon le rapport « Towards Nature Positive: Corporate and Financial Institution Practices in China » publié en 2023 et rédigé par le Forum économique mondial en collaboration avec PwC China.

Valeurs basées sur le rapport « Financer la biodiversité, agir pour l’économie et les entreprises » publié en 2019 et préparé par l’OCDE.

Sources : Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Forum économique mondial.


Jessica Ground est responsable ESG, Monde chez Capital Group, et possède 25 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement. Elle est titulaire d’une licence en histoire de Bristol University, et est membre du CFA Institute.


En savoir plus
ESG

Glossaire :

Emprunts d’État en monnaie forte : obligations d’État émises par des pays émergents dans des devises tels que le dollar US ou l’euro, qui sont considérées comme étant plus stables que des devises locales.

Emprunts d’État : obligations émises par un gouvernement national.

Swap : contrat financier prévoyant l’échange de flux financiers.

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