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Relocalisation des chaînes d’approvisionnement : quelles opportunités pour les investisseurs ?
Julian Abdey
Gérant de portefeuille actions
Rob Lovelace
Vice Chairman et Président
Winnie Kwan
Gérante de portefeuille

De toutes les leçons tirées de la pandémie – comme par exemple se laver soigneusement les mains, éviter les ascenseurs bondés, le travail à domicile peut s’avérer productif – pour les entreprises, la plus importante est désormais évidente : se fier à une chaîne d'approvisionnement unique était une erreur.


Outre la rupture de maillons essentiels des chaînes d’approvisionnement qui n’a épargné aucun secteur durant la crise sanitaire, les événements géopolitiques – en particulier les tensions entre les États-Unis et la Chine et l’invasion russe en Ukraine – ont mis en lumière les risques d’une dépendance excessive à un seul fournisseur pour des biens et services essentiels comme le matériel médical, l’énergie, les denrées alimentaires ou encore les puces électroniques.


« Surfant sur l’accélération de la mondialisation de ces dernières décennies, les entreprises ont délocalisé leur production vers des pays à la main-d’œuvre moins chère et/ou aux réglementations moins contraignantes », indique Julian Abdey, gérant de portefeuille chez Capital Group.


« Si ces choix ont contribué à stimuler les bénéfices et à réduire les prix de vente de ces entreprises, nous avons récemment pris conscience qu’une perturbation des chaînes d’approvisionnement pouvait être particulièrement problématique. Citons par exemple la dépendance de l’Europe vis-à-vis de la Russie pour son gaz naturel, ou encore celle des industriels du monde entier aux semi-conducteurs fabriqués en Asie, et surtout à Taïwan. »


La relocalisation prend le pas sur la délocalisation


Nombreuses sont les entreprises à avoir revu leurs priorités – la fiabilité et la robustesse d’abord, les coûts et la rentabilité ensuite – et donc à investir massivement pour diversifier leurs chaînes d'approvisionnement (parfois encouragées par de généreuses subventions). Certaines rapatrient ainsi une partie de leurs activités industrielles « à la maison », tandis que d’autres les relocalisent sur d’autres territoires.


Face à ces mutations, certains observateurs se demandent si nous sommes entrés dans une phase de « démondialisation ». Pourtant, si l’on examine les échanges commerciaux de ces dernières années, il s’agirait seulement d’un ajustement après les dérèglements causés par la crise financière, puis par la crise sanitaire.


La mondialisation poursuit son chemin, mais change de rythme

Sources : Capital Group, Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Banque mondiale. Calcul du commerce mondial : somme de toutes les exportations et importations de biens et services. Représenté ci-dessus en pourcentage du PIB mondial. Données sur les échanges commerciaux de 2021.

« Il ressort de notre analyse et de nos discussions avec les entreprises que nous n’assistons pas vraiment à une démondialisation. Il serait plus exact de parler d’une réorganisation des chaînes d’approvisionnement mondiales », déclare Rob Lovelace, gérant de portefeuille chez Capital Group. « Et je ne pense pas que ce soit si dramatique que cela si l'on considère la croissance rapide du commerce en ligne, qui est plus difficile à mesurer à l'aide d’indicateurs traditionnels, par rapport au commerce physique. »


En réalité, bon nombre d’entreprises étendent leur présence mondiale, puisqu’elles font le choix de démultiplier leurs chaînes d’approvisionnement. Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC) en est la parfaite illustration : sous la pression de restrictions américaines strictes sur l’exportation de semi-conducteurs (devenus stratégiques pour le secteur de la défense), le premier fondeur de semi-conducteurs au monde est en train de construire de nouveaux sites de production aux États-Unis, mais aussi au Japon.


Également dans le secteur technologique, Apple, qui possède déjà des usines dans plusieurs pays (Chine, Tchéquie, Corée du Sud, etc.), a annoncé en septembre 2022 que son iPhone 14 serait désormais produit en partie en Inde. Et après les États-Unis et la Chine, c’est à Gruenheide, en Allemagne, que Tesla a ouvert sa première usine européenne en 2022.


Le secteur de l’énergie est lui aussi concerné : le texan ECV Holdings a dévoilé un projet de centrale à gaz pour desservir plusieurs zones industrielles dans les environs d’Hô Chi Minh-Ville au Vietnam – centrale qui sera alimentée principalement avec du gaz naturel liquéfié américain. Pour résumer, la liste des entreprises américaines qui, comme General Motors, Intel et US Steel, ont fait le choix de rapatrier leur production s’est considérablement allongée ces dernières années, suscitant les espoirs d’un renouveau industriel aux États-Unis. 


La stratégie « China+1 » fait son apparition


Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la Chine ne perdra pas son titre d’usine du monde. Les entreprises non chinoises sont en effet nombreuses à se tourner vers un modèle dit « China+1 », consistant d’une part à conserver leurs activités existantes en Chine destinées au marché local, et d’autre part à s’implanter aussi dans d’autres pays pour répondre à la demande internationale.


Comme l’explique Winnie Kwan, gérante de portefeuille chez Capital Group : « Reste à voir si ce modèle sera modulable et si les équipes dirigeantes seront en mesure de faire face à cette complexité supplémentaire : sera-t-il possible d’établir une nouvelle usine sur d’autres marchés, puis de l’agrandir au gré des besoins, avec tous les ajustements que cela requiert en termes de main-d’œuvre, d’énergie et d’infrastructures logistiques. Sachant que toutes les entreprises n’y parviendront pas, il est essentiel de tenir compte de ces éléments pour identifier les meilleures opportunités d’investissement – la recherche fondamentale est là pour nous y aider. »


Les flux d’investissements supplémentaires sont donc un indicateur important à suivre. Selon une enquête menée en 2021 par l’American Chamber of Commerce de Shanghai, les entreprises étrangères déjà présentes en Chine réorientent leurs investissements principalement vers les pays d’Asie du Sud-Est, le Mexique, l’Inde et les États-Unis. Mais comme cette étude le révèle aussi, moins de 20 % des 338 sociétés interrogées ont réellement l’intention de déplacer leurs moyens de production. La relocalisation pourrait donc être plus progressive et plus mesurée que ne l’anticipent les marchés.


« Il faudra peut-être une décennie aux entreprises pour mener à bien cette transition, ajoute Winnnie Kwan. Le processus est toutefois bien entamé, et je suis convaincue que la relocalisation sera l’un des principaux thèmes d’investissement des années 2020. »


L’Asie du Sud-Est, première destination potentielle de la réorganisation des chaînes d’approvisionnement

Source : 2021 China Business Report, American Chamber of Commerce de Shanghai, 22 septembre 2021. Sur les 338 entreprises étrangères présentes en Chine interrogées pour les besoins de cette étude, 63 font état d’une réorientation de leurs investissements vers d’autres pays d’Asie du Sud-Est, le Mexique, l’Inde ou encore les États-Unis.

La relocalisation crée de nouvelles opportunités d’investissement


Au vu de l’envergure des ajustements en cours, les implications pour les investisseurs sont considérables et couvrent un large éventail de secteurs d’activité et de régions. Voici quatre opportunités qui pourraient résulter de la relocalisation de la production à moyen terme :


1. Le marché indien : grâce à sa proximité avec la Chine, à sa main-d’œuvre qualifiée, et à son économie florissante et favorable aux entreprises, l’Inde pourrait être la mieux placée pour tirer profit de la démultiplication des chaînes d’approvisionnement. L’État a pris des initiatives audacieuses pour encourager le développement de l’industrie manufacturière sur son sol, notamment dans le domaine des smartphones. Apple y collabore déjà avec des prestataires tels que Foxconn pour la production de ses iPhone. Dans les dix ans à venir, le secteur manufacturier devrait connaître une accélération et porter la croissance indienne, tout en stimulant d’autres secteurs tels que la banque, l’énergie et les télécommunications.


« Dans une certaine mesure, l’Inde est ainsi mieux positionnée aujourd’hui que ne l’était la Chine il y a vingt ans », décrypte Johnny Chan, analyste actions chez Capital Group.


2. Le marché mexicain : voisin d’une autre grande puissance économique mondiale, le Mexique attire les entreprises en quête de nouveaux territoires pour développer leurs activités industrielles et logistiques. De nombreuses sociétés américaines y avaient afflué dans les années 1990 suite à l’adoption de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), une tendance qui s’est encore accélérée depuis la ratification, en 2020, de l’Accord Canada États-Unis Mexique (USMCA).


Les exportations du Mexique vers les États-Unis ont bondi ces dernières années, en grande partie du fait des entreprises américaines, mais aussi des sociétés chinoises, qui renforcent leur présence dans le pays. Le géant chinois de l’électroménager Hisense Group, par exemple, vient d’investir 260 millions USD dans la construction d’un campus industriel à Monterrey où seront fabriqués réfrigérateurs, lave-linge et climatiseurs à destination du marché américain, tandis que les constructeurs automobiles, BMW et Nissan ont récemment étoffé leurs capacités de production locales.


3. Les fournisseurs de solutions d’automatisation : la pénurie chronique de main-d’œuvre est un obstacle majeur à la diversification des capacités de production mondiales, lequel pourrait être en partie résolu par l’automatisation basée sur l’intelligence artificielle (IA). Contrairement à ce que l’on peut observer en Asie, les usines américaines et européennes sont encore très peu automatisées, ce qui offre des perspectives prometteuses aux leaders du secteur, comme le Japonais Keyence, le Français Schneider Electric ou le Suisse ABB Ltd.


« Amazon développe également un nouveau robot de tri basé sur l’IA appelé Sparrow, capable de saisir plus de 60 millions de formes et de tailles différentes, la manipulation de chaque article ne prenant que quelques secondes », ajoute Mark Casey, gérant de portefeuille chez Capital Group. « C’est un progrès considérable par rapport au nombre limité de produits que ses prototypes d’il y a sept ans pouvaient traiter, en plusieurs minutes de surcroît. Selon moi, ce type de technologies devrait se démocratiser plus rapidement qu’on ne le pense. Et pourtant, le niveau des actions des leaders américains ou européens de ce secteur ne reflète pas encore ce formidable potentiel. »


L’automatisation basée sur l’intelligence artificielle est prête à prendre son essor

Sources : Capital Group, International Federation of Robotics. Données de 2022.

4. Les multinationales : cela peut paraître paradoxal, mais les multinationales qui ont le plus profité de l’accélération de la mondialisation ces dernières décennies pourraient, aujourd’hui encore, être les mieux positionnées pour affronter la « remondialisation ». Ce n’est pas pour rien si les chefs de file mondiaux tirent leur épingle du jeu : à la différence de sociétés plus petites au service d’un seul marché, elles ont bien souvent acquis l’expérience et les ressources nécessaires pour s’adapter efficacement à l’évolution du commerce mondial.


D’après Jody Jonsson, gérante de portefeuille chez Capital Group : « En plus de conserver une dimension mondiale en termes de sites de production et de clientèle, ces géants bien gérés créeront progressivement des redondances locales pour être au plus près de leurs marchés. C’est ce que j’appelle la ‘multilocalisation’. » Elles rapatrieront ainsi certains maillons de leur chaîne d’approvisionnement sur leur territoire, tout en implantant de nouveaux sites de production dans différentes régions stratégiques.


Et de conclure : « S’il y a bien une leçon à tirer des dernières crises, c’est que les entreprises doivent diversifier leurs chaînes d’approvisionnement. Et elles sont déjà à pied d’œuvre. »



Julian Abdey est gérant de portefeuille actions chez Capital Group et possède 28 ans d’expérience en matière d’investissement. Il est titulaire d’un MBA de Stanford et d’un diplôme d’économie de l’université de Cambridge.

Rob Lovelace est Vice Chairman et Président de The Capital Group Companies, et il siège au Comité de direction de Capital Group. Il possède 34 années d’expérience de l’investissement, cumulée intégralement au sein de Capital Group. Il est titulaire d’une licence en géologie de Princeton et de l'accréditation CFA.

Winnie Kwan est gérante de portefeuille actions et possède 24 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement. Elle est titulaire d’une licence et d’un master en économie de Cambridge.


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