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Capital IdeasTM

Perspectives d’investissement de Capital Group

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Volatilité boursière
Flambée des prix des matières premières : quelles répercussions sur les marches émergents ?
Martyn Hole
Equity Investment Director
CE QU’IL FAUT RETENIR
  • Alors que règne l’incertitude autour du conflit Russie-Ukraine, Une hausse prolongée des prix des matières premières pourrait pénaliser les économies émergentes en ce sens qu’elle affaiblirait leurs échanges commerciaux, leur croissance et leur solde budgétaire et extérieur.
  • Par le passé, les marchés actions émergents se sont mieux comportés dans des environnements de croissance élevée, et ont été moins limités par l’inflation (sauf lorsqu’elle atteint des niveaux extrêmes) et les soldes budgétaires/extérieurs.
  • Malgré l’impact négatif potentiel d’une hausse des prix des matières premières sur les marchés émergents, il est important de ne pas perdre de vue les opportunités qu’ils peuvent offrir. Les actions de cet univers s’échangent à des niveaux proches de leurs plus bas historiques par rapport aux marchés développés, et devraient ainsi continuer de bénéficier d’une réduction de la prime de risque actions.

L’offensive russe en Ukraine, aujourd’hui la plus grande guerre terrestre en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, affecte des millions d’individus – qui se retrouvent contraints de se rendre dans des abris ou de fuir leur domicile – et pourrait provoquer une crise humanitaire à grande échelle. L’escalade très préoccupante du conflit a des conséquences dramatiques pour les populations prises au piège de cette crise.


Cet article traite des possibles retombées économiques et boursières du conflit.


Introduction


Les marchés actions émergents pourraient subir le contrecoup de la crise géopolitique actuelle par l’entremise des prix des matières premières, la Russie étant le premier exportateur au monde de gaz naturel et le deuxième exportateur de pétrole brut et de produits pétroliers. À ce jour, l’approvisionnement en gaz russe reste stable (l’exclusion de la Russie du système Swift ne concerne pas les matières premières), mais le climat géopolitique a propulsé les cours pétroliers encore plus haut qu’ils ne l’étaient en janvier. Le baril de Brent a ainsi franchi le seuil des 100 dollars pour la première fois depuis 20141. La Russie et l’Ukraine sont aussi d’importants exportateurs de denrées alimentaires : ensemble, ils représentent près de 30 % des exportations mondiales de blé, dont les cours atteignent actuellement des sommets inédits depuis dix ans. Et la Russie est un grand exportateur de nickel, de palladium et de titane (le secteur aéronautique mondial lui achète par exemple près d’un tiers du titane nécessaire pour construire ses appareils). Dans cet article, nous analysons comment la hausse des prix des matières premières pourrait affecter les autres marchés émergents.


L’impact des prix des matières premières sur les économies émergentes


L’indice MSCI Emerging Markets compte principalement des pays importateurs de pétrole, parmi lesquels la Chine, Taïwan, la Corée du Sud et l’Inde.


De nombreux pays de l’indice MSCI Emerging Markets sont importateurs nets de pétrole

Net oil importers chart

Données au 28 février 2022 et au 31 décembre 2020 (pour les importateurs/exportateurs nets de pétrole). Source : Bloomberg, U.S. Energy Information Association (EIA), Perspectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international, MSCI.

Le graphique ci-après montre l’exposition aux secteurs des matières premières de chaque pays composant cet indice. On y voit que la Russie est la plus exposée aux matières premières, suivie du Pérou (par le biais des matériaux), du Brésil et du Chili. 



Exposition par pays aux secteurs des matières premières dans l’indice MSCI Emerging Markets
Poids des secteurs de l’énergie et des matériaux par pays émergent

MSCI EM by country chart

Données au 31 décembre 2021. Source : UBS. RU = Russie, PE = Pérou, BR = Brésil, CL = Chili, SA = Afrique du Sud, CO = Colombie, TH = Thaïlande, HU = Hongrie, TR = Turquie, PL = Pologne, IN = Inde, MX = Mexique, EM = moyenne des marchés émergents, ID = Indonésie, QA = Qatar, KR = Corée du Sud, TW = Taïwan, CN = Chine, CZ = Tchèquie, AE = EAU, KW = Koweït, PH = Philippines.

L’impact de la flambée des prix des matières premières sur le contexte macroéconomique


Nous avons vu que la plupart des pays de l’indice MSCI EM IMI sont importateurs nets de pétrole, tandis que leur exposition aux matières premières est plus variée.  Or, une augmentation soutenue des prix des matières premières peut avoir des répercussions négatives sur 1) les perspectives de croissance économique, (2) l’inflation et (3) les soldes budgétaires et extérieurs.


1. Croissance économique : la hausse des prix des matières premières (comme le pétrole) a un effet aussi bien sur l’offre (qu’elle peut réduire du fait de l’augmentation des coûts de production) que sur la demande (qu’elle peut freiner en érodant le pouvoir d’achat des consommateurs). Une augmentation de 10 dollars du baril de pétrole pourrait ainsi amputer la croissance du PIB de 0,1 à 0,6 point2, et pénaliser en premier lieu de petits pays non producteurs comme Singapour, Taïwan, Hong Kong ou la Thaïlande. À l’inverse, la hausse des prix des matières premières profitera aux pays exportateurs nets de pétrole, ce qui contribuera à améliorer les profits de leurs entreprises et les salaires de leurs travailleurs. Par ailleurs, les prix du pétrole étant généralement très subventionnés dans les pays producteurs (même si c’est moins le cas désormais), une hausse des cours internationaux pourrait avoir un impact limité sur l’offre et la demande dans ces pays.


2. Inflation : l’impact sur l’inflation d’un pays dépend de la part des matières premières dans le panier de l’indice des prix à la consommation de ce pays. En Inde, par exemple, où l’alimentation et l’énergie représentent plus de 50 % du panier de l’IPC, toute hausse des prix des matières premières aura un impact notable. Idem en Thaïlande, aux Philippines et en Malaisie3.  Les mesures publiques sur les prix des carburants sont un autre facteur à prendre en compte. En effet, la plupart des grands pays exportateurs de pétrole (Arabie saoudite, Koweït, etc.) subventionnent ou régulent les prix à la pompe pour leurs consommateurs, qui sont de ce fait moins impactés par une hausse des prix des matières premières.  


3. Solde budgétaire : dans les pays qui importent des matières premières subventionnées, la hausse des prix peut contribuer à dégrader les comptes budgétaires. C’est le cas en Corée du Sud et en Indonésie. À l’inverse, le solde budgétaire des pays exportateurs de matières premières s’améliore lorsque les prix des matières premières augmentent. Pour de nombreux pays émergents exportateurs, le prix de revient du pétrole4 est sensiblement inférieur à celui d’autres matières premières : au Mexique par exemple, le seuil de rentabilité est de 50 dollars, contre près de 80 dollars pour l’Arabie saoudite5.


4. Balance courante : l’amélioration des termes de l’échange devrait être positive pour la balance courante des pays exportateurs de matières premières.  Le graphique ci-après illustre l’exposition nette aux matières premières de chaque pays (en % du PIB). La Russie, le Chili, la Malaisie, l’Afrique du Sud et le Brésil sont exposés à diverses matières premières, dont la hausse est bénéfique pour leur balance courante.


Balance commerciale nette par pays pour les hydrocarbures, les denrées alimentaires et les minerais/métaux, en % du PIB

Balance commerciale en 2019 (% du PIB)

Trade balance by country chart

Données au 31 décembre 2019. Source : UBS.

Le graphique ci-après montre l’impact d’une hausse de 10 dollars du prix du pétrole sur l’indice des prix à la consommation et sur la balance courante des principaux pays composant l’indice MSCI EM IMI. Comme on peut le voir, l’impact sur la Chine, Taïwan et l’Indonésie est relativement minime. C’est la Thaïlande qui semble la plus vulnérable à une hausse des prix du pétrole, en termes d’inflation comme de solde extérieur. 


La combinaison des risques d’accélération de l’inflation et de ralentissement de la croissance pourrait inciter les banques centrales des pays émergents à réévaluer leur politique monétaire, laquelle se traduirait par un durcissement ou un assouplissement en fonction du pays et de la durée attendue de l’impact du conflit. En règle générale, un choc pétrolier associé à une crise géopolitique est perçu comme posant une plus grande menace pour la croissance que pour l’inflation, mais les banques centrales peuvent réagir de deux manières différentes.  D’une région à l’autre, les différences sont frappantes : en Asie, les taux n’ont pas encore bougé puisque l’inflation reste modérée ; en Europe centrale, au Moyen-Orient et en Afrique, bien qu’en hausse, les taux réels restent négatifs ; et en Amérique latine, les banques centrales ont relevé leurs taux de manière préventive. 


L’impact de la hausse des prix des matières premières sur les actions émergentes


Le dernier aspect permettant d’évaluer l’impact du conflit Russie-Ukraine sur le monde émergent est la manière dont la hausse des prix des matières premières affecte les résultats des marchés actions émergents.


Par le passé, des prix des matières premières élevés ont été généralement associés à des résultats solides sur les marchés actions émergents, probablement parce que les pays exportateurs de matières premières étaient traditionnellement plus représentés dans l’indice6. Mais ce n’est plus le cas pour les économies tirées aujourd’hui davantage par la consommation que par la production. La hausse des prix des matières premières peut également porter les marchés actions émergents si elle est imputable à une accélération de la demande mondiale, laquelle alimente alors une croissance économique mondiale dynamique.  


Une flambée des prix des matières premières engendrée par une offre limitée, comme nous l’observons actuellement, est généralement dommageable pour les pays émergents importateurs, qui pâtissent d’un affaiblissement des termes de l’échange, de leur croissance, et de leur solde budgétaire et extérieur. Cela dit, les soldes budgétaires et extérieurs déficitaires ne pénalisent réellement les marchés actions émergents que si ces derniers ne parviennent plus à se financer. Comme la plupart des pays émergents sont en relative bonne santé économique, il est peu probable qu’une dégradation limitée de leurs soldes budgétaires/extérieurs fasse plonger leurs marchés boursiers.


Comment les marchés actions émergents se comportent dans différents scénarios de croissance et d’inflation

Résultats mensuels moyens de l’indice MSCI EM IMI au cours des 33 dernières années

EM equity returns chart

Données au 28 février 2022. Source : Bloomberg.

La situation varie également selon les niveaux de la croissance et de l’inflation. En utilisant l’indice des directeurs d’achats (PMI) américain pour simuler la croissance mondiale, nous avons fait une distinction entre les périodes de faible et de forte croissance et inflation (accélération/ralentissement en glissement annuel, de mois en mois). Le graphique ci-dessus montre que les marchés actions émergents ont surtout progressé durant les périodes de croissance dynamique, et que le niveau de l’inflation est alors accessoire. En revanche, les périodes d’inflation extrême (dans les années 1970, par exemple) ont engendré une destruction économique et de capital, et pesé sur les résultats boursiers. À noter que les marchés actions émergents ont enregistré des résultats positifs au cours des quatre périodes illustrées, ce qui met en lumière l’intérêt de rester investi au fil des cycles conjoncturels.


Sur les marchés boursiers, les secteurs de l’énergie et des matériaux devraient être les principaux bénéficiaires de la flambée des prix des matières premières, tandis que celui de l’immobilier sera le plus durement pénalisé puisqu’il est grand consommateur de matières premières. Les entreprises industrielles pourraient également se retrouver sous pression si elles ne sont pas en mesure de répercuter la hausse de leurs coûts sur les consommateurs. 


Conclusion


Une hausse prolongée des prix des matières premières pourrait pénaliser les économies émergentes en ce sens qu’elle affaiblirait leurs échanges commerciaux, leur croissance et leur solde budgétaire et extérieur. Il faudra rester à l’affût de l’impact de la flambée des prix sur la croissance, qui est un élément moteur pour les marchés actions émergents. Sur le plan géographique, l’Asie devrait être la plus affectée par la hausse des prix des matières premières, tandis que l’Amérique latine, l’Europe centrale et orientale, le Moyen-Orient et l’Afrique devraient en tirer profit. La Colombie, l’Arabie saoudite et le Brésil devraient être les principaux bénéficiaires de la situation actuelle. Sur le plan sectoriel, les filières de l’énergie et des matériaux seront les principales bénéficiaires de la flambée des prix des matières premières, tandis que le secteur de l’immobilier sera le plus durement pénalisé.


Malgré l’impact négatif d’une hausse des prix des matières premières sur certains pays émergents, il est important de ne pas perdre de vue les opportunités à plus long terme. Les économies émergentes contribuent en effet à près de 60 % de la croissance mondiale, une part vouée à augmenter ces prochaines années à la faveur d’une démographie plus jeune et d’une urbanisation croissante. Ces économies affichent également des niveaux soutenables d’inflation et de dette publique, et ont fait des progrès en matière de gouvernance d’entreprise. En termes de valorisations, les actions des marchés émergents s’échangent à des niveaux proches de leurs plus bas historiques par rapport aux marchés développés, et la prime de risque devrait encore reculer.


1. Source : Bloomberg. Au 28/02/2022.


2. Source : Barclays Research au 25 février 2022.


3. Source de la part des pays dans l’IPC : instituts nationaux de statistiques.


4. Somme de toutes les charges directes et indirectes supportées pour la production et la distribution d’un produit ou d’un service.


5. Source : Barclays Research au 25 février 2022.


6. MSCI EM IMI


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Martyn Hole is an equity investment director at Capital Group. He has 40 years of investment industry experience and has been with Capital Group for 19 years. He holds a master’s degree in natural and engineering science with honours from the University of Cambridge. He also holds the Chartered Financial Analyst® designation. Martyn is based in London.


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