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Chine
La Chine peut-elle surmonter le défi de la déflation?
Stephen Green
Économiste

La Chine est confrontée à un problème de déflation, et il lui faudra du temps pour le résoudre. La faiblesse de la confiance des consommateurs, le recul des ventes de logements et les faibles taux d’utilisation du secteur manufacturier sont autant d’éléments qui laissent présager que les exportations à bas prix de certains produits manufacturés pourraient continuer d’inonder les marchés mondiaux au cours des six à douze prochains mois. 


Nous assistons déjà à une réaction négative de la part de divers pays qui craignent que les importations bon marché n’affaiblissent leurs industries nationales. J’estime que les entreprises qui sont en concurrence avec des produits fabriqués en Chine, en particulier dans les domaines des équipements pour les énergies renouvelables, des machines et des véhicules électriques (VE), seront probablement confrontées à une situation difficile dans un avenir prévisible.


Alors que l’économie chinoise est en difficulté depuis la levée des confinements liés à la COVID fin 2022, les décideurs politiques ont mis l’accent sur une reprise fondée sur l’industrie manufacturière dans le cadre de l’objectif officiel de réaliser une croissance annuelle de l’ordre de 5 %. Cette stratégie est devenue plus évidente dans les données d’exportation. Les volumes d’exportation ont progressé de 13 % au premier trimestre, mais leurs prix ont baissé de 6 % dans l’ensemble, en dollars américains.


Ce phénomène est également perceptible dans les données américaines. Alors que les prix des importations américaines en provenance d’Europe et du Mexique continuent d’augmenter d’une année sur l’autre, ceux des importations en provenance de Chine (et de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est) ont baissé de 3 % par an, en mars.


Les prix à l’exportation de la Chine sont en baisse

Le graphique linéaire illustre la variation en glissement annuel des prix à l’importation et à l’exportation de la Chine de 2006 à 2024. Deux lignes représentent les prix à l’importation et à l’exportation. Les deux lignes affichent des fluctuations importantes au cours de la période, avec des intersections. De fortes baisses se sont produites vers 2009 et 2020, suivies de hausses rapides. Vers 2016, les prix à l’importation sont passés sous la barre des -15 %, tandis que les exportations sont restées stables, entre zéro et -5 %. Le graphique illustre la nature dynamique de l’économie des échanges internationaux sur une période prolongée, en mettant en évidence les périodes d’inflation au-dessus de la ligne du zéro et les périodes de déflation en dessous.

Sources : Capital Group, CEIC. Données au 1er avril 2024.

Le secteur manufacturier chinois est gigantesque et ne cesse de croître


Le gouvernement a redoublé ses efforts au sein de l’industrie manufacturière dans le cadre d’une politique plus générale visant à remonter la chaîne de valeur technologique dans des domaines comme les véhicules électriques et les batteries, les équipements des énergies renouvelables et la robotique. Cet effort coïncide avec son objectif de redresser un secteur immobilier fortement endetté. 


Alors qu’un grand nombre de promoteurs immobiliers privés sont criblés de dettes, le secteur manufacturier a bénéficié d’une forte augmentation du crédit accordé par les banques d’État depuis 2020. En 2022, l’industrie manufacturière représentait 28 % du PIB de la Chine. Selon moi, la politique de Pékin est susceptible d’accroître l’énorme excédent de produits manufacturés de la Chine, le plus important au monde.


Dans l’intervalle, les derniers chiffres de l’économie chinoise ont fait naître l’espoir d’une reprise tant attendue. Selon les chiffres officiels, le produit intérieur brut a augmenté de 5,3 % par rapport à l’année précédente. Mais la croissance provient en majeure partie de l’extérieur de la Chine. Si la relance des exportations a des chances d’aboutir, j’estime qu’elle n’aura qu’un impact limité sur l’économie nationale, du moins jusqu’à ce que les mesures de relance du gouvernement commencent à se concrétiser.


Le marché de l’immobilier résidentiel, qui constitue la principale source de patrimoine des ménages, continue de se contracter, les ventes ayant baissé de 20 % par rapport à l’année précédente au premier trimestre. L’épargne des ménages est en hausse malgré la levée des restrictions imposées dans le cadre de la COVID, les sondages suggérant une préférence pour l’or et les dépôts bancaires.


Par conséquent, les pressions déflationnistes pourraient persister jusqu’à ce que la reprise de l’économie chinoise prenne de l’ampleur. Le déflateur du PIB, une mesure générale de l’inflation, a été négatif durant trois trimestres consécutifs. 


Le principal indicateur de l’inflation en Chine est proche de son niveau le plus bas de 2009

Le graphique linéaire présente le pourcentage en glissement annuel de 2001 jusqu’au 1er mars 2024 du déflateur du PIB. Le graphique présente deux lignes : le déflateur implicite du PIB et la moyenne de l’indice des prix à la consommation et de l’indice des prix à la production.  Les deux lignes évoluent de manière similaire, mais la ligne du déflateur implicite du PIB présente des sommets plus élevés et des creux moins profonds. Le déflateur implicite du PIB culmine à plus de 10 % vers 2008 et passe sous la barre des -2 % en 2009. Les deux courbes affichent une tendance générale à la baisse après 2011, ponctuée de hausses occasionnelles. Elles convergent en fin de période. L’axe des abscisses représente les années et l’axe des ordonnées, les pourcentages allant de -6 % à +12 %.

Sources : Capital Group, CEIC. Données au 1er mars 2024. Déflateur du PIB = mesure générale de l’inflation. Il s’agit de la valeur de tous les biens et services produits dans un pays (PIB nominal), divisée par la valeur ajustée à l’inflation desdits biens et services (PIB réel). IPC = Indice des prix à la consommation. IPP = Indice des prix à la production.

Cela étant dit, certains signes encourageants ont récemment suscité un mini redressement du marché des actions chinoises depuis la fin du mois d’avril. Je suis d’avis que les décideurs politiques ont compris qu’ils devaient résoudre la spirale négative de l’immobilier et établir un plancher pour les prix. Ils ont récemment dévoilé un plan permettant aux gouvernements locaux d’acheter les biens immobiliers invendus et de les convertir en logements abordables. Ils ont également réduit le montant de mise de fonds nécessaire et abaissé les taux hypothécaires afin d’attirer les acheteurs de logements potentiels.


Nombreux sont les obstacles qui doivent être surmontés pour que le plan d’achat d’appartements fonctionne, notamment le fait qu’il sera financé par les banques, qui souhaitent être remboursées. Malgré toutes ces difficultés, Pékin semble avoir enfin compris qu’elle devait intervenir pour résorber le stock de logements.


En dehors du secteur du logement, la consommation s’améliore dans certains domaines de l’économie. Par exemple, les voyages intérieurs ont rebondi cette année, surpassant les niveaux prépandémiques de 2019. Macao, une destination de divertissement populaire, montre des signes d’une reprise continue. Le nombre total de visites a augmenté en avril en comparaison avec l’année précédente, bien que les recettes brutes des jeux d’argent n’aient pas encore atteint les niveaux de 2019. Il est possible que la situation s’améliore encore. Les organismes de réglementation ont récemment accéléré la procédure d’obtention des visas de voyage pour Macao, ce qui lui permettra d’accueillir un plus grand nombre de visiteurs et de groupes. On constate également une tendance des consommateurs à se tourner vers des articles moins coûteux. Luckin Coffee, par exemple, a connu un premier trimestre robuste, alors que Starbucks, plus haut de gamme, a vu ses ventes se contracter. 


Les mesures protectionnistes risquent de s’intensifier


sur les marchés internationaux, la réaction négative aux exportations chinoises s’intensifie, ce qui complique un paysage géopolitique déjà tendu. De nombreuses entreprises concurrentes ont insisté auprès de leurs gouvernements pour qu’ils imposent de nouvelles barrières commerciales sur une large gamme de produits.


Les États-Unis ont récemment imposé de nouveaux droits de douane d’une valeur de 18 G$ US sur une variété de produits en provenance de Chine, notamment les véhicules électriques, les batteries lithium-ion, les semi-conducteurs et l’acier. De son côté, l’Union européenne étudie la possibilité d’imposer ses propres taxes sur les véhicules électriques et les équipements liés aux énergies renouvelables. En outre, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie et le Viêt Nam ont lancé plusieurs enquêtes antidumping portant sur l’acier, les produits chimiques et les céramiques.


Ces plaintes illustrent la montée en puissance de la Chine dans le secteur manufacturier au cours des deux dernières décennies. Par exemple, les exportations chinoises de panneaux solaires connaissent un essor fulgurant. Les subventions, les améliorations technologiques et les capacités de production massives ont permis de faire baisser les prix unitaires tout en améliorant la qualité des produits. La Chine assure déjà 80 % de la production mondiale de panneaux solaires, et sa position dominante devrait s’accroître.


La Chine exporte également de grandes quantités d’acier, comme ce fut le cas lors du dernier ralentissement de son économie en 2015 et 2016. En réaction, le Mexique, le Chili et le Brésil ont tous augmenté les droits d’importation sur les produits sidérurgiques chinois. 


Les exportations d’acier de la Chine augmentent pour atteindre les niveaux proches de 2015-2016

Le graphique linéaire présente les tendances des exportations nettes d’acier de la Chine de 2005 à 2024. L’axe des ordonnées correspond à une fourchette allant de 2 millions à 12 millions de tonnes expédiées, tandis que l’axe des abscisses présente les années correspondantes. La ligne démontre que la Chine a connu un déficit commercial dans le secteur de l’acier en 2005.  Les exportations ont grimpé en 2006 pour atteindre un sommet de 6,4 millions de tonnes en 2008.  Les exportations d’acier ont baissé, mais sont reparties à la hausse jusqu’en 2015 environ, atteignant un sommet de 10,2 millions de tonnes. Les exportations ont de nouveau reculé pour atteindre près d’un million de tonnes exportées en 2020 et ont rebondi à 9,2 millions de tonnes au 1er mars 2024.

Sources : Capital Group, CEIC. Les données correspondent à la période allant du 1er janvier 2005 au 1er mars 2024. Les valeurs inférieures à zéro indiquent les périodes où la Chine a connu un déficit commercial dans le secteur de l’acier.

Conclusion


Pékin continue de signaler que la « croissance de haute qualité », la restructuration économique et ses ambitions à moyen terme sont plus importantes que la stimulation du crédit à grande échelle que de nombreux observateurs du marché espéraient au cours de ces dernières années.


Il est ainsi probable que les prix des exportations chinoises continueront à baisser, ce qui donnera du fil à retordre aux concurrents étrangers. Cependant, le problème d’inflation auquel sont confrontés les États-Unis et d’autres pays développés provient toutefois principalement du secteur des services et des salaires intérieurs. Par conséquent, la Chine risque de ne pas jouer un rôle important dans le cadre des efforts déployés par les banques centrales pour lutter contre l’inflation.


Malgré les enjeux auxquels fait face la Chine, certains membres de notre équipe de placement estiment que le fort mouvement de vente sur le marché des actions chinoises au cours des dernières années a créé des occasions d’investir de manière sélective. Les valorisations sont avantageuses sur la base du ratio cours/bénéfice historique, et le gouvernement incite les entreprises à accroître les rachats d’actions et les versements de dividendes. Dans le cadre de nos stratégies sur les marchés internationaux et émergents, nos gestionnaires de portefeuille ont principalement privilégié les entreprises disposant de flux de trésorerie importants et de parts de marché dominantes. Notre prédilection s’est portée sur les géants de la technologie, l’automatisation industrielle et les entreprises liées aux voyages.  



Stephen Green est économiste et couvre l’Asie. Il possède 19 ans d’expérience dans le secteur des placements (au 31 décembre 2023). Il est titulaire d’un doctorat en gouvernement de la London School of Economics et d’un diplôme obtenu avec distinction de l’Université de Cambridge.


IPC = Indice des prix à la consommation.

 

IPP = Indice des prix à la production.

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