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Obligations ou cash : que choisir ?
Vince Gonzales
Gérant de portefeuille obligataire
John Queen
Gérant de portefeuille obligataire

Le cycle de hausse des taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) touchant probablement à sa fin, l’année 2023 s’annonce positive pour les obligations. Les investisseurs qui, dans le contexte particulièrement difficile de 2022, s’étaient réfugiés en masse dans les fonds monétaires (dont l’encours a de ce fait atteint 5 200 milliards USD) pourraient désormais se demander si le moment est venu de faire marche arrière.


En parallèle, la douloureuse « réinitialisation » (ou « reset » en anglais) des marchés ces derniers mois semble avoir eu un effet positif : les taux obligataires à court terme se sont redressés de leurs niveaux historiquement bas, atteignant des sommets inédits depuis plus de 15 ans, tout en demeurant attrayants puisqu’ils se situaient autour de 4 % en moyenne début mai 2023. Dans certains segments du marché, les obligations notées AAA sont actuellement assorties d’un taux de l’ordre de 5 à 6 %, ce qui correspond à un revenu intéressant et à une protection relativement efficace contre la volatilité.


« Les valorisations de départ sont actuellement l’un des points forts du marché des obligations d’échéance courte », déclare Vince Gonzales, gérant de portefeuille obligataire chez Capital Group. « Le potentiel d’accroissement de la valeur est supérieur à ce que l’on peut trouver sur les marchés monétaires – avec un risque supplémentaire limité. »


Les investisseurs se sont réfugiés dans les fonds monétaires, dont l’encours a fortement progressé

Sources : Capital Group, Bloomberg Index Services Ltd., Investment Company Institute (ICI). Données au 21 avril 2023.

Après avoir rapidement remonté son taux directeur en 2022, la Fed a ralenti le rythme de ses hausses et procédé début mai à un nouveau relèvement d’un quart de point de pourcentage. À en croire les observateurs, celui-ci pourrait être le dernier du cycle en cours. Alors qu’une pause – voire un virage monétaire – approche, les marchés pourraient atteindre un point d’inflexion.


« C’est à la fin d’un cycle de hausse des taux, avant qu’un cycle de baisse ne débute, que la partie courte de la courbe des taux du Trésor a tendance à être la plus sensible, explique Vince Gonzales. Et c’est à ce moment-là qu’apparaissent des opportunités de se positionner sur les taux et sur le segment du crédit. »


Les taux varient toujours, à la hausse comme à la baisse


Pour les investisseurs, reste à savoir combien de temps les taux des obligations d’échéance courte se maintiendront à leurs niveaux records.


Si la faillite de Silicon Valley Bank a fait légèrement reculer les taux, leur potentiel haussier demeure réel compte tenu de la vigueur de l’économie américaine, laquelle pourrait dissuader la Fed de prendre un virage monétaire accommodant. John Queen, gérant de portefeuille obligataire chez Capital Group, a vu deux camps se former parmi les acteurs du marché : ceux qui pensent que la Fed a désormais accompli sa mission de lutte contre l’inflation, et les autres.


« À chaque fois qu’un indicateur est publié allant dans un sens ou dans l’autre, la volatilité s’accroît, explique-t-il. C’est cette instabilité qui rend les obligations d’échéance courte aussi intéressantes, car elles peuvent générer des rendements supérieurs plus longtemps que prévu, et les investisseurs sont un peu plus protégés contre les pics de volatilité. » Et d’ajouter que les obligations d’échéance courte présentent une duration (mesure de la sensibilité au risque de taux d’intérêt) plus courte que celle des stratégies axées sur les obligations à plus long terme.


Les taux des obligations d’échéance courte atteignent cette année des sommets inédits depuis plus de 10 ans

Source : Bloomberg. Taux : yield to worst. Yield to worst : taux le plus faible pouvant être perçu sur une obligation sans que son émetteur n’aille jusqu’au défaut de paiement. Taux obligataire moyen calculé à partir de données portant sur la période janvier 2013-mai 2023. Données au 4 mai 2023.

Par ailleurs, les bons du Trésor à 2 ans affichent actuellement un taux supérieur de 0,48 % à celui des bons du Trésor à 10 ans, un phénomène appelé inversion de la courbe des taux et qui est reconnu comme un signe avant-coureur d’une récession. À titre de comparaison, au cours des 20 dernières années, le taux à 10 ans a été 1,2 % plus élevé que le taux à 2 ans. Un repli marqué des taux courts pourrait survenir lorsque la courbe renouera avec sa traditionnelle pente positive. Et dans tous les cas, ces inversions se résorbent généralement quelque temps après la dernière hausse des taux.


« Si l’inflation persiste plus longtemps que prévu et que l’économie résiste bien, alors les taux pourraient demeurer supérieurs aux anticipations actuelles des marchés, prévient John Queen. D’après mon analyse, les taux demeureront plus élevés et plus longtemps que le consensus du marché ne le prévoit, et la courbe restera plus longtemps inversée. »


Une inflation persistante pourrait limiter la marge de manœuvre de la Fed par rapport à celle dont elle disposait en 2022 en matière de hausse des taux, compte tenu des difficultés du secteur bancaire et du risque de récession. Mais même si les taux d’intérêt continuent d’augmenter, l’augmentation du potentiel de revenus découlant des taux supérieurs servis sur les nouvelles émissions obligataires offrirait aux investisseurs un moyen judicieux de se prémunir contre toute évolution défavorable des cours de ces titres. Un niveau durablement élevé des taux d’intérêt permettrait par ailleurs de bénéficier de revenus attrayants sur une période prolongée.


Le marché s’attend bien entendu à ce que les taux d’intérêt reculent quelque peu, mais qu’ils demeurent nettement supérieurs à leurs niveaux de ces dernières années, ce qui laisse espérer la poursuite de l’appréciation des cours, mais également de la génération d’un revenu attrayant.


Les marchés s’attendent à ce que le taux des bons du Trésor à 2 ans recule, tout en demeurant élevé

Source : Bloomberg. Taux obligataire moyen calculé à partir de données portant sur la période mai 2013-mai 2023. Données au 4 mai 2023.

Certains investisseurs pourraient être tentés de chercher à déterminer le bon moment pour revenir sur le marché, en se basant sur les chiffres de l’inflation et sur les annonces de la Fed – mais, ce faisant, ils pourraient passer à côté du rebond.


« Quand des informations sont publiées sur la direction de l’économie, le marché réagit extrêmement vite pour intégrer ces données, explique John Queen. Puis lorsque les investisseurs y voient enfin plus clair, le marché est déjà passé à autre chose. »


Pour les investisseurs qui veulent profiter des meilleurs opportunités, la stratégie consistant à placer périodiquement des sommes fixes, sans tenir compte du niveau des cours, peut constituer un moyen judicieux – en fonction de leurs objectifs d’investissement et de leur tolérance au risque – de s’exposer au marché et de bénéficier d’un rendement total potentiellement supérieur à celui des placements en espèces ou assimilés.


Obligations d’échéance courte : quelles opportunités ?


L’univers de la dette à court terme est large, puisqu’il s’étend des obligations souveraines aux obligations d’entreprise, en passant par la dette titrisée. Lorsqu’ils s’exposent à des segments comme les obligations d’entreprise ou les titres adossés à des actifs, les investisseurs perçoivent une prime de risque, ou spread, correspondant à l’écart entre le taux de ces titres et le taux d’obligations souveraines de qualité comparable. Les spreads se situent actuellement à des niveaux attrayants, proches ou supérieurs à leur moyenne à long terme.


« Il est possible de construire un portefeuille à partir d’un grand nombre d’opportunités et de types d’obligations de qualité, explique Vince Gonzales, en se basant sur l’allocation sectorielle et sur la sélection de titres pour maximiser les résultats. »


Et bien entendu, face à l’assombrissement des perspectives économiques, la prudence est de mise.


« Nous demeurons attentifs aux perspectives à 6-12 mois dans l’univers obligataire, le risque de dégradation de la conjoncture et de récession pouvant faire durer la volatilité et se traduire par un élargissement des spreads. Voilà pourquoi il est si important de privilégier les secteurs qui ont démontré leur résilience et d’éviter ceux dont le profil de crédit se détériore. »


« Tout le monde parle de l’attrait des fonds monétaires, mais il est utile de rappeler que des obligations de grande qualité – en termes de note de solvabilité comme de structure sous-jacente – peuvent servir des taux 1,5 à 2 % supérieurs. La proposition de valeur est donc bien réelle pour les investisseurs qui visent un rendement attrayant au sein d’un portefeuille de duration courte, composé de titres de très grande qualité. »


En ce qui concerne le segment des obligations d’entreprise, où le secteur financier concentre les émissions bien notées et d’échéance courte, la baisse des cours engendrée par les déboires du système bancaire fait actuellement émerger des opportunités.


Investir en vue de bénéficier de résultats plus réguliers


Qu’il s’agisse de l’évolution des taux d’intérêt, de la menace d’une récession ou de risques géopolitiques, les investisseurs doivent tenir compte de nombreuses variables pour construire leur portefeuille.


« Face à tous ces facteurs d’incertitude, il est judicieux de se remémorer les raisons pour lesquelles on achète des obligations, suggère John Queen, qui fait l’analogie avec un long voyage en voiture, que l’on choisirait d’effectuer en berline classique, mais confortable, plutôt que dans un bolide puissant, mais difficile à maîtriser. Et de conclure : « Les obligations ont vocation à être détenues au sein d’un portefeuille plus large, pour lisser les résultats et limiter la volatilité. »


Les obligations d’échéance courte, qui se distinguent par leurs valorisations attrayantes et leur faible volatilité, offrent donc un tremplin attrayant pour les investisseurs jusqu’à présent adeptes des liquidités.



Vincent J. Gonzales est gérant de portefeuille obligataire à revenu fixe chez Capital Group. En tant qu'analyste des investissements à revenu fixe, il couvre les titres adossés à des créances hypothécaires commerciales et les titres adossés à des actifs. Il a 13 ans d'expérience en matière d'investissement et travaille chez Capital Group depuis huit ans.

John Queen est gérant de portefeuille obligataire chez Capital Group et possède 34 ans d’expérience dans le secteur de l’investissement. Il est titulaire d'une licence en gestion industrielle de Purdue.


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